Nouveaux documents sur les fusillés du 12/08/44 du 35e
Le 1er novembre cette plaque a été inaugurée. Elle est scellée dans le mur de l'enceinte du 35e appelé désormais "mur des fusillés". Au pied de ce mur en effet furent retrouvés les 41 corps. Périgueux 1944
Extrait de l'ouvrage de Guy Penaud, Histoire de la résistance en Périgord, page 416
Extrait de l'ouvrage de Guy Penaud, Histoire de la résistance en Périgord, page 409
Documents
Blog créé par Muriel Lecointe, peintre professionnelle, fille de Daniel Lecointe et petite-fille de Georges Lecointe.
contact: muriel.lecointe@free.fr
Les documents ont été gardé précieusement par Daniel Lecointe le fils de Georges et père de Muriel, ainsi les générations s'unissent pour faire ensemble un hommage au disparu, l'un témoigne des faits, apporte la documention et la deuxième génération dégagée de la trace directe et émotionnelle, peut apporter soutien au traumatisme causé par la guerre et lutte contre l'oubli.
Georges Lecointe fait partie des 46 fusillés du 35e RAD de Périgueux en 1944
On peut trouver les témoignages de ce massacre dans l'ouvrage qui vient d'être édité en 2011:
Résistants du Périgord
Jean Jacques Gillot et Michel Maureau
Editions du Sud-Ouest 2011
www.editions-sudouest.com
Georges Lecointe, répertorié à la page 368
Hélène Veyri (page 581) a également rédigé une description précise sur les fusillés du 35e RAD de Périgueux, un document aussi précieux que minutieux...
Son témoignage est cité plus loin, il est de la même teneur que celui de mon père Daniel.
Extrait de la page 368,
RESISTANTS DU PERIGORD, Dictionnaire.
LECOINTE Georges, Charles, Elie,
Né le 26 septembre1902, à Saint-Mihiel (Meurthe-et-Moselle). Décédé le 12 août 1944, à Périgueux.
Habitait sur la commune de Notre-Dame-de-Sanilhac entre 1940 et 1944.
Adjudant-chef d’active au 61e régiment d’artillerie, à Metz. Participe à la guerre 1939-1940 avec le 5e RAD (régiment d’artillerie divisionnaire) de la 47e division d’infanterie, aux combats de la Somme, de l’ Oise, de l’Ourcq et de la Marne. Il arrive en Périgord, avec une batterie antichars au complet, en fin de retraite, le 24 juin 1940. Affecté au 35e RAD jusqu’à la dissolution de l’armée, après l’invasion de la zone sud, en novembre 1942. Sans nouvelle de sa famille, il rejoint sporadiquement le maquis AS, dans la forêt de Vergt, au cours de 1943. Mais les conditions de ravitaillement en vivres et en munitions imposent la dissolution partielle du groupe. Lecointe est alors placé au service de renseignements dans le secret.
Sa petite-fille rappelle qu’il est arrêté << par les Boches, et leurs sbires nords-africains >>, le 31 juillet 1944. Torturé et détenu dans les caves de la police allemande de Périgueux puis interné à la caserne de Daumesnil, en très mauvais état après les sévices subis. Le 12 août il est fusillé avec 24 autres prisonniers, dont Charles Mangold et Serge Baptiste. Au moment des slaves, des voisins ont entendu chanter La Marseillaise, témoigne sa petite-fille Muriel. Les cadavres sont jetés dans une fosse commune (voir Veyri page 581).
Son fils Daniel Lecointe de 16 ans reconnaîtra la dépouille de son père et il en sera marqué à vie << Un spectacle atroce, inoubliable et inracontable >>, précise sa descendante.
Périgueux libéré, l’exhumation de 46 victimes juives et résistantes - sans compter les Géorgiens fusillés par les allemands - est accomplie par des prisonniers de guerre encadrés par les gendarmes AS du bataillon Violette et du corps franc Roland (voir Tallet et Clée). Un hommage leur est rendu, sur le lieu même du supplice, à chaque 19 août.
Promu lieutenant à titre posthume. Chevalier de la Légion d’honneur. Médaille militaire. Cité à l’ordre de la division en ces termes: << Magnifique patriote. Membre des FFI Arrêté pour faits de résistance le 31 juillet 1944, a été interné jusqu’au 12 août 1944 date à laquelle il est mort glorieusement pour la France >>.
Mémorial de la Résistance en Dordogne; Lagrange, Dictionnaire de la Résistance; entretien et rédaction avec son fils Daniel et sa petite-fille Muriel.
LECOINTE Georges né le 26 septembre 1902 à Saint MIHIEL (55)
Ancien adjudant chef au 61 Régiment d’Artillerie à Metz (57)
Participe à la guerre 1939 avec le 5e R.A.D (régiment d’artillerie divisionnaire) avec la 47e Division d’infanterie aux combats de la Somme, l’Oise, l’Ourcq, la Marne, la Loire et jusqu’en Dordogne, avec une batterie anti-chars ramenée au complet en fin de retraite au 24 juin 1940.
Cité à l’ordre de la Division, Médaille militaire. Affecté au 35e d’Artillerie à Périgueux jusqu’à la dissolution de l’Armée.
Dans l’ignorance totale de sa famille, il rejoint sporadiquement le maquis AS (armée secrète) dans la forêt de Vergt jusqu’en 1943. Les conditions de ravitaillement en vivres et en munitions imposant une dispersion partielle, il rejoint Périgueux.
Il est au service du S.R (service de renseignement de l’Armée Secrète) dans le plus complet secret.
Il est arrêté par les boches et leurs sbires nord-africains le 31 juillet 1944, torturé et détenu dans les caves de la Gestapo de Périgueux puis interné dans la prison de la caserne Daumesnil, très abîmé.
Le 12 Août 1944, il est fusillé avec quarante autres prisonniers, jetés dans une fosse commune avec le cadavre d’un cheval dans l’ancien stand de tir du 35 e R.A.D dans la caserne même.
Périgueux libéré le 19 Août, l’exhumation des cadavres a été entreprise par les prisonniers allemands encadrés par des gendarmes et des combattants FFI (bataillon Violette C F. Roland).
Le fils de Georges Lecointe, Daniel âgé de 16 ans a reconnu le cadavre de son père parmi quarante autres dans l’ancien manège à côté du champ de tir. Spectacle atroce inoubliable et inracontable.
Extrait du décret du 2-4-59 publié au J.O du 8-4 59, pour nomination dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur à titre posthume.
Lieutenant Georges Lecointe.
« Magnifique patriote. Membre des Forces Françaises de l’intérieur (FFI ).
Arrêté pour faits de Résistance le 31 07 1944, a été interné jusqu’au le 12 Août 1944 date à laquelle il est mort glorieusement pour la France.
Mémoire de Georges Lecointe,
Lieutenant FFI, mort pour la France
Du 35e R.A.D - Médaille militaire- Croix de guerre -
Membre de l’Armée de Résistance A.S
Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume
Arrêté le 31 juillet 1944 et lâchement fusillé par les Allemands le 12 août 1944,
à la caserne de Daumesnil à Périgueux.
Le service funèbre a eu lieu le 26 Août 1944, et l’inhumation au cimetière des Réfugiés à Périgueux.
Né en septembre 1902.
Daniel Lecointe, son fils né le 14 avril 1930.
Témoignage de Daniel Lecointe, son fils, âgé de 16 ans au moment des faits.
Extrait de son Cahier de souvenirs de guerre.
« A la fin de l’année 1944, je n’ai pas pu terminer le chapitre XXI. Agé de seize ans, j’ai vécu des moments atroces, sans aucune mesure avec les faits que j’ai relaté auparavant. Je ne suis pas arrivé à écrire mais je n’ai rien oublié et c’est quarante ans après que je raconte la fin de la guerre qui fut aussi la fin de mon père.
En 1943 mon père est parti dans le maquis pour encadrer des jeunes réfractaires au travail obligatoire en Allemagne dans la forêt de Vergt. Il ne nous a jamais rien dit de ses activités pour ne pas occasionner des risques à sa famille.
Parfois il nous faisait passer du pain blanc ou divers produits de ferme. Il était à la tête d’une section qui défendait l’Armée Secrète, Brigade Alsace-Lorraine. Il avait repris son uniforme d’adjudant-chef et ses armes. Nous avons appris plus tard qu’il avait récupéré quelques gradés de l’ancien du 35e RAD de Périgueux pour encadrer une quarantaine de jeunes avec un armement peu important.
Je n’ai jamais eu de précision sur les activités de mon père au maquis : parachutages anglais, instruction de recrues. Changement de bivouac chaque jour. Coups de main pour récupérer ravitaillement et matériel.
L’hiver 43/44 a dû être très dur, la forêt ne facilitant plus le camouflage, et le gonflement des effectifs rendant plus difficile le ravitaillement.
Le début de 1944 a vu de grandes opérations combinées avec milice, GMR (police de Pétain) et boches réunis. Ces derniers avaient amené des prisonniers russes (Georgiens) armés et encadrés par des gradés nazis.
La vie devint intenable dans le secteur tenu par mon père et après des pertes importantes et l’impossibilité de ravitaillement, son unité fut dissoute et chacun du se cacher en attendant de reprendre le combat. Nous vîmes mon père de retour à la maison parfois pour de courts instants. La nuit, il couchait dans les bois ou dans les fermes, ou partait je ne sais où. Plusieurs fois, au moment des grandes rafles, il m’emmena en forêt la nuit en compagnie de divers patriotes. Il fallait se déplacer sans bruit, hors des routes, bivouaquant dans des fermes amis, en postant des sentinelles.
C’est à la fin de juillet que mon père disparut.
Une dame qui tenait un kiosque à journaux, en face du Monoprix, sur le cours Daumesnil à Périgueux, prévint ma mère. Deux arabes l’avaient arrêté dans la rue. Les faux papiers n’ayant servi à rien, la dame vît que mon père se préparait à fuir mais les arabes lui braquèrent leurs armes sur le corps et il fut emmené à la Gestapo, derrière le théâtre (aujourd’hui disparu).
Nous avons eu confirmation de son arrestation définitive, car la Gestapo vint perquisitionner chez nous en mettant tout sans dessus dessous.
Ils ne trouvèrent rien, les armes étaient enterrées dans le jardin et il n’y avait rien de compromettant. Avec les boches était un nommé Schmidt qui parlait bien le français. On n’a jamais su sa nationalité.
Il nous questionna sans relâche ma mère et moi, emporta des effets militaires de mon père, mon poignard scout et ma lampe de poche !
Ma mère fut convoquée à la Gestapo, longuement et revint après avoir dit être brouillée avec son mari et sans nouvelle depuis longtemps… J’ai évité d’être souvent à la maison car les boches pouvaient revenir.
Nous avons su, par un pompier, qui avait été libéré après un incendie, que mon père était incarcéré à la prison du 35e, son ancienne caserne à Saint Georges. Nous avons été plusieurs fois lui porter des colis mais sans savoir s’ils lui ont été remis. Je passais quelques fois le long du mur de la caserne en sifflant la Marche Lorraine. La prison devait être pleine car on entendait le brouhaha des voix.
Nous n’avons eu plus aucune nouvelle. Le débarquement avait eu lieu en Juin et les boches étaient déchaînés. La division SS Das Reich, parcourait toute la région, butant d’embuscade en embuscade. Elle réussit quand même à brûler Ouradour sur Glane et à massacrer la population puis à prendre cent personnes à Tulle.
Périgueux était encerclé par les troupes du maquis, rassemblées de tous les environs depuis le début 1944. Des négociations eurent lieu et pour ne pas détruire la ville les boches partirent avec armes et bagages vers Bordeaux.
Le 20 Août Périgueux était libéré. J’ai couru tout de suite à la caserne Daumesnil dont les grilles étaient ouvertes. Je suis resté avec quelques maquisards dans la prison à gauche du poste de police. Une longue cour sur laquelle donnaient des cellules. Toutes les portes étaient ouvertes, tout était vide. Dans une cellule sur un bat-flanc, j’ai reconnu la veste grise de mon père bien pliée avec une chemise, un caleçon, dont les taches de sang n’avaient pu être lavées. J’ai d’abord cru que les prisonniers avaient été déportés en Allemagne.
Des officiers FFI sont venus avec le pompier ex-prisonnier et un type bizarre, interprète auprès des boches qui ont dit que tous les détenus avaient été fusillés le 12 Août 1944 sur ordre de l’état-major allemand dans le stand de tir à l’extrémité de la caserne. Nous y avons été, les taches de sang et les tas de douilles, ne laissaient aucun doute. Devant le stand, un espace de terre remuée signalait la grande fosse commune où les cadavres avaient été jetés.
Dès le lendemain, les FFI et les gendarmes amenèrent des prisonniers allemands qui se mirent à creuser. La chaleur était grande et l’odeur horrible. Les corps ont été soigneusement exhumés et mis sur des civières dans un hangar voisin.
Il y avait 44 corps de résistants massacrés dont un garçon de quinze ans, avec des morceaux de bois enfoncés sous les ongles, et le cadavre d’un cheval.
J’ai été mis en présence du corps de mon père, défiguré, gonflé mais reconnaissable.
J’ai pris un morceau d’étoffe du pantalon, un mouchoir, la boucle de sa ceinture, le tout trempé dans un désinfectant. J’ai réussi à ne pas pleurer, les larmes sont venues que dans la rue quand je suis rentré seul à la maison.
Un des boches qui creusaient, un jeune à lunettes avait l’air de se moquer. Je n’ai pas pu m’empêcher de le frapper de toutes mes forces sur le nez et quand j’ai essayé d’utiliser la baïonnette d’un gendarme, j’ai été maîtrisé et emmené ailleurs.
J’ai questionné les gens qui pouvaient avoir des informations. Mon père a été interrogé et torturé pendant plus d’une semaine à la Gestapo. Il revenait en sang chancelant des interrogatoires mais n’a jamais rien avoué. Il s’agissait certainement d’une dénonciation car le lieutenant Salle (26e RI) qu’il devait contacter a été arrêté le même jour et fusillé lui aussi.
Les voisins de la caserne se souvenaient que le 12 Août 1944, La Marseillaise a été chantée avant les slaves des pelotons d’exécution.
Les autorités militaires de l’époque ont organisé des funérailles officielles avec les quarante cercueils, drapés de tricolore, alignés devant le palais de Justice de Périgueux avec offices religieux et défilé des troupes.
Mon père reçut la légion d’honneur à titre posthume mais n’a pas appris auparavant sa nomination comme officier, arrivée trop tard.
La ville de Périgueux, pour honorer le sacrifice des 44 fusillés a érigé un monument sur le mur même de l’exécution, l’excluant de la caserne, ainsi que le stand de tir afin que la population puisse s’y recueillir et le fleurir chaque année.
Quelques semaines plus tard, des soldats de l’unité de mon père, qui combattaient sur la poche de Royan, sont venus nous avertir qu’ils auraient capturé le sinistre Schmidt et l’avaient pendu sans jugement.
De tels évènements ne peuvent que transformer la vie d’un adolescent, lui enlever beaucoup de moyens, par la privation d’un père et par un souvenir cruel et inoubliable »
Daniel Lecointe
Autre Témoignage de Daniel Lecointe, mon père en 2008
"Le 31 juillet 1944, mon père a été arrêté, il a été torturé par la Gestapo pendant une semaine .
Il était dans un état épouvantable, au bout d’une semaine, ils n’ont rien pu en tirer et ils l’ont ensuite emprisonné à la caserne Daumesnil. Une dame qui tenait le kiosque à journaux, a vu la scène de l'arrestation. Elle a vu mon père sortir ses papiers qui devaient être faux, mon père même sans uniforme avait une prestance de militaire et il a été emmené par la Gestapo. Cette dame est montée nous prévenir, le jour même, ma mère et moi. Ensuite les boches sont venus perquisitionner chez nous, ils ont raflé tout ce qui avait d'objets militaires, même la selle de cavalier (mon père était cavalier), les vêtements, ils nous ont laissé juste le casque militaire de mon père. Lors de son arrestation, mon père était seul.
Un pompier était enfermé à la caserne avec mon père. C’est lui qui nous a donné des renseignements sur lui, il m’a montré où se trouvait la cellule où mon père a été emprisonné. Là, j’ai retrouvé ses vêtements pliés sur une chaise. Le pompier a été relâché car sa brigade avait besoin de spécialistes lors d’un feu. Les boches ont accepté de le relâcher.
La dame qui tenait le kiosque à journaux a prévenu ma mère dans la journée, nous avons été au courant de l'arrestation de mon père tout de suite.
Antoine Gadaud l'ancien maire de Périgueux a été enfermé aussi à la caserne avec les autres, mais il n’est pas dans la liste des fusillés, pourquoi je ne sais pas, on ne sait ce qu’il est devenu. Antoine Gadaud sénateur et maire limogé par Vichy. A t-il été libéré quand la caserne a été ouverte, peut-être est-il sorti avant et mort ensuite, je ne sais pas où il a disparu. Il y a à Périgueux une rue au nom de ce maire Antoine Gadaud.
Il y avait 22 personnes enfermées avec mon père à la caserne.
Il y avait le Lieutenant Salle au 26 e RI que nous connaissions, il fait partie des 41 fusillés. Pour l’exhumation, il y avait 40 civières, à l’enterrement 41, deux inconnus à l’époque, maintenant il y a un seul inconnu, probablement un cheminot, mais nous n’avons eu de précision.
Mon père est parti faire la guerre à Metz, puis en Alsace.
Ma mère Andrée Marinthe fut affectée à Limoges en tant que bibliothécaire, elle avait perdu la trace de son mari, ils se sont retrouvés grâce à des papiers échangés. Quand mes parents se sont retrouvés, ils ont vécu à Périgueux dans une chambre dans le quartier de Saint Georges. Ma mère est allée me chercher et m’a ramené de Commercy (Meuse) où je vivais avec ma grand-mère, j'avais environ 11 ou 12 ans. Nous sommes allés ensuite habiter aux Cébrades à Périgueux.
Mon père était au 35e RAD jusqu’en 42, après l’armée a été dissoute. Ma mère disait qu’il était à l’encadrement avec d’anciens militaires pour surveiller et empêcher de faire sauter les voies ferrées. Mon père partait, revenait, il était dans la forêt de Vergt. Vraisemblablement il avait pris le maquis. Le ravitaillement était organisé par les paysans. Rationnement du ravitaillement, il n’était pas facile de nourrir tous ces jeunes réfractaires. Les parachutages ont été arrêtés, trop difficiles. Il y avait trop de monde dans le maquis, chacun se cachait comme il pouvait. Mon père travaillait avec Salle, qui a été arrêté et fusillé aussi. Il y avait une complicité avec les deux veuves de guerre, ma mère et Madame Salle. Elles ont du avoir des informations. Ma mère a pu apprendre beaucoup de choses. Ma mère a contacté d'autres veuves de guerre, veuves dans les mêmes circonstances et elle a pu être informée. Mais elle n'a pas partagé ces informations avec moi."
"J’étais au 35 e dans le manège pour la cavalerie, où on a mis les corps, par terre il y avait de la sciure.
Je suis allé dans la cellule où se trouvait mon père, un homme m'y a conduit. J'ai retrouvé les vêtements de mon père bien pliés, un caleçon et sa veste. Je les ai reconnus. Il y avait une série de cellules et dehors un point d'eau et c'est là que mon père a dû essayer de laver les taches de sang de son caleçon, car j'ai retrouvé les traces des taches qu'on avait essayé de laver. Les torturés étaient attachés et on les frappait en bas de la ceinture avec un nerf de bœuf. Mon père ne pouvait pas être dans le manège où les hommes dormaient par terre à même le sol. Il a été lui aussi tabassé avec un nerf de bœuf en bas de la ceinture. Il n’était pas en état, il était trop amoché. c'est la raison pour laquelle il se serait retrouvé en cellule. Ils commençaient par fusiller les juifs. Mon père a été fusillé en même temps que les juifs. Plus de la moitié des Français étaient pour Pétain à l’époque. Ceux qui ont été fusillés, où est érigé le mur des fusillés, nous ne sommes pas sûrs que ce sont tous des combattants.
Mon père s'est engagé dans l'armée quand il a été mobilisable à 18 ans. Il a fait son service militaire en Allemagne en Rhénanie (2e classe). Après la guerre de 14, fin du service militaire.
Mon père aimait chanter, il avait une belle voix, il avait ses deux chansons préférées, la Chanson des blés d'or de Camille Soubisse et les Bœufs de Pierre Dupont."
"A Commercy la maison de ma grand-mère a été bombardée. Un char d’assaut a été bombardé devant sa maison et celle-ci a entièrement pris feu. Elle s’est retrouvée en tablier avec ses tickets de rationnement pour le pain. Elle en a perdu la tête, elle en a été profondément traumatisée. Nous avons subi une lourde perte dans ce bombardement, tous nos biens qui se trouvaient dans la maison de ma grand-mère, ont disparus en fumée. Ma mère est remontée à Metz chercher sa mère à l'hôpital.
J’ai passé la première partie de mon BAC à Périgueux, la deuxième à Metz. J’ai loupé la deuxième partie, je voulais rentrer à l’Ecole Militaire de Saint Cyr en Bretagne. Je suis resté l’été 44 à Périgueux, deux mois, hébergé dans la famille d'un ami Robert Kaminker, mon autre ami Claude Ziswiller Alsacien, y était aussi, pour passer le BAC.
Après la guerre, à Metz, ma mère a trouvé l’appartement rue du 20e Corps, donné par la préfecture, on lui avait donné quelques meubles puisque tout avait brûlé dans le bombardement.Au début c’était gratuit, c’étaient les anciens bureaux des allemands de l’armée de l’air."
..." La caserne où était enfermé mon père, il y avait un chemin qui la longeait. Je sifflais une marche militaire, on lançait des papiers par dessus le mur, des colis...Une lettre est parvenue à son destinataire. On entendait causer derrière le mur. Ils devaient être nombreux. Ma mère a cru que son mari avait été envoyé en Allemagne. En réalité, il était dans une cellule dans cette caserne qu'il connaissait bien pour y être allé en tant que militaire. Cette caserne a été réquisitionnée par les boches pour mener des actions expéditives. Les collabos fonctionnaient avec les boches. Il y avait des fusillades en nombre. La première semaine de la Libération, il y a eu des pelotons d'exécutions. Des femmes étaient tondues sur la place du Monoprix avec une croix gammée au goudron sur le front... Je ne suis pas pour des actions punitives aussi cruelles.
Mangold a eu sa tombe longtemps à côté de celle de mon père, maintenant on l'a changé. Une partie des fusillés a été évacué dans un cimetière militaire, nous, avec ma mère, nous n'avons pas voulu qu'il soit enterré là-bas, cela ne changeait rien, le mal était fait, nous avons une concession à perpétuité au cimetière de Périgueux."
Extrait nomination à la Légion d'Honneur à titre posthume
Extrait journal
Georges Lecointe Lieutenant FFI
Le Souvenir Français
Georges Lecointe Lieutenant FFI
Plaque de commémoration du Mur des Fusillés à Périgueux
Mur des 45 fusillés à Périgueux
Mur - Hommage
Détail
Georges Lecointe et Andrée Marinthe
HISTORIQUE DU « MUR DES FUSILLES »
RUE DU 5ème REGIMENT DE CHASSEURS
A PERIGUEUX.
par M. Jacques GOBERT
(pour tout contact complémentaire : 05.53.06.79.84)
Quartier Saint Georges à Périgueux, la rue du 5ème régiment de Chasseurs relie, en bordant la voie ferrée le boulevard du Petit Change, à la hauteur du n° 135 et de la rue Pierre Magne, au droit du pont de chemin de fer, là se trouve le trop peu connu des périgourdins « Mur des Fusillés » dont la porte d’accès est signalée par une plaque. Deux panneaux indicateurs sont implantés à chacune des deux extrémités de la rue, après accord du Maire de Périgueux, Monsieur Xavier Darcos, sur ma sollicitation.
En octobre 1944 soit deux mois après le massacre, fut inaugurée une plaque commémorative « provisoire » sur le lieu même. Les honneurs furent alors rendus par la 222ème Cie F.T.P.F commandée par le sous-lieutenant Yves Bancon.
Par la suite, l’emplacement de ce lieu fut officiellement cédé à la ville de Périgueux par le Service départemental des Domaines. Un acte de vente a été établi et enregistré à Périgueux le 21 octobre 1954 et concerne un terrain polygonal limité par le mur de la caserne, les murs du fond du stand de tir où se situent la butte de tir et les murs d’enceinte (n° 159 et 161 P section C du cadastre).
En cet endroit appartenant désormais à la ville de Périgueux, qui en a la charge et s’en acquitte parfaitement, fut envisagé puis décidé l’implantation d’un cénotaphe. L’aménagement des lieux fut voté par délibération du Conseil Municipal, séances des 21 mars et 27 mars 1952, le tout, vu et approuvé par Monsieur le Préfet le 11 mai 1953.
La sculpture-ciseau du Maître Gilbert Privat, en orne désormais ce haut-lieu du souvenir, depuis 1954-1955 Monsieur Lafaye, architecte-urbaniste de la ville de Périgueux en dirigea l’aménagement.Depuis, tous les 19 août, date anniversaire de la libération de Périgueux, un hommage officiel se déroule au mur des Fusillés.
Le 19 août 1997 après cette cérémonie annuelle à laquelle j’avais assisté, j’ai rencontré un homme en pleurs, effondré. M’approchant, il m’a raconté entre deux sanglots qu’il avait assisté à la fin de ce massacre, moment où les corps des victimes avaient été jetés, entassés dans une fosse proche sur des cadavres de chevaux. Après la libération de Périgueux, sur ordre des résistants présents, les prisonniers allemands retirèrent ces corps.
Ce sont ces corps que j’ai voulu finir d’identifier en recherchant leurs lieux d’exhumation. Avec l’aide du service de l’état-civil de la Mairie de Périgueux et celui de la voirie et des cimetières, je suis arrivé à compléter le travail antérieur de ces services, sans toutefois parvenir à connaître l’ensemble des lieux actuels d’inhumation. Les 54 ans qui nous séparent me font penser que je ne peux pas aller plus loin. à moins qu’à la faveur de cet historique, nous puissions en savoir davantage.
Je ne peux clore cet historique sans énumérer les noms de ces 45 victimes et la date de leur mort atroce, en ajoutant que ce quartier Daumesnil où j’ai moi-même passé deux ans, 1940-1942 restera ineffaçable dans ma mémoire (liste de 45 victimes ci-dessous).
Il semblerait que, vu les dates des décès relevées sur les actes du registre de la Mairie, les exécutions aient débutées dès le mois de juin 1944.
Il faut signaler que les noms de Lacueille et Mangold furent donnés à deux artères de la ville de Périgueux, étant ainsi immortalisés.
Nom des 45 martyrs figurant sur le cénotaphe avec date de leur décès
19 juin |
REY J.G.Y - THURMEL G.O - THURMEL G. - TREMOULET R. |
12 août |
BAPTISTE - BELLE - CAMIL E. - CHEVALIER L.G - DAGBERT A. - ESKENAZI M. - FLIEG A.F - KORNBLIT M. - LEBOVIC J. - LECOINTE Georges. - LESPINE M. - Charles MANGOLD C.L - MASSIP R. - MAZE - Lucien Auguste VERGNOLLES |
14 août |
PONCEAU J.L. |
16 août |
CHATELIER R. |
17 août |
AROD R.R.J - BORDEAUX H.P - FRUCTUS P. - GRANDOU R. - GUICHARD R. – GUYONNET M.Y - JAVANAUD P. - KAHN R. - LACUEILLE P.J.G - LEMATHIEU P.A - MARTIN J.A – POMIER J. - PIRODEAU A.A. - SCHIFFMANN L. |
24 août |
un inconnu. supposé SNCF selon acte de décès |
Les noms soulignés sont ceux dont la sépulture est connue. Tous ces noms figurent sur le registre des décès du service de l’état-civil de la mairie de Périgueux.
Par jugement transcrit sur l’acte de décès du 18 juin 1944 : A. LEBLANC, ce nom semble être le pseudonyme de A.LEROUGE - il n’aurait pas été déclaré décédé au moment même, il est supposé que sa famille ait fait régulariser son décès. Il est déclaré décédé le 5 juin 1944.
En Complément au plan ci-dessus, il y a lieu de préciser que sur l’initiative de l’Amicale des Anciens des 5ème et 9ème chasseurs et ABC Périgord (Arme - Blindée cavalerie) présidée par le colonel Guy BESSON, le boulevard de l’Egalité (de tous devant la mort) car longeant le cimetière Saint Georges, se transforma en la rue du 5ème régiment de chasseurs le samedi 28 octobre 1995.
Ce régiment est le dernier à avoir tenu garnison à Périgueux, au Quartier Daumesnil durant 30 ans (1964-1994), il comptait dans ses rangs une majorité de jeunes périgourdins ayant tissé avec la population des relations très étroites.
En conclusion, il faut reconnaître que la partie de la rue du 5ème régiment de chasseurs longeant le Mur des Fusillés est empreinte d’un sentiment de tristesse faisant penser au chemin parcouru par ces victimes emmenées vers leur lieu d’ultime sacrifice.
Jacques GOBERT, juin 1998
20 août 2010 06h00 | Par Anne-Sophie Garrigou
Il y a 66 ans, Périgueux libérée
Anciens combattants et résistants ont participé hier à la commémoration de la Libération.
Les familles des fusillés ont déposé une gerbe devant le mur de la rue du 5e Régiment de Chasseurs. PHOTO STEVE FRANCO
Le 19 août 1944 à 20 h 30, les troupes allemandes quittaient définitivement Périgueux. Les maquisards entraient dans la cité en courant dans la nuit sous un violent orage, sans rencontrer la moindre résistance. C'était il y a 66 ans, et alors que les rangs des témoins de la Seconde Guerre mondiale s'éclaircissent d'année en année, la commémoration de de la Libération de la ville reste un moment fort pour les anciens résistants. Hier, ils sont venus célébrer la mémoire des 45 combattants fusillés en juin et août 1944 par les nazis à Périgueux.
L'hommage aux 45 fusillés
Comme toujours, les représentants des associations de résistants et combattants ont porté les drapeaux de cette célébration, devant quelques dizaines de personnes émues. Benoît Delage, secrétaire général de la préfecture, Pascal Deguilhem, député, et Michel Moyrand, maire de Périgueux, ont chacun déposé une gerbe devant le monument de la Résistance et de la Déportation place Montaigne avant que tous se rendent au Mur des fusillés, rue du 5e Régiment de Chasseurs, dans le quartier Saint-Georges.
Pour « célébrer la mémoire des aînés condamnés à mort par le tribunal militaire allemand » en 1944, Michel Moyrand a rappelé, dans son discours, quelques grands moments de la Seconde Guerre mondiale. Il a une fois de plus salué le « courage », la « volonté de liberté » de « ces héros, ces martyrs qui ont risqué leur vie pour que la nôtre soit libre ». Afin que « l'intense joie » ressentie par la population le 19 août 1944 ne masque pas « le destin tragique » des résistants tombés au combat, le maire a ensuite appelé les noms des 45 fusillés, suivis par l'écho des « Mort pour la France » prononcés par le public. Le « Chant des Marais » a accompagné les enfants de M. Lacueille et Danièle Lavigne, descendants de résistants fusillés qui ont déposé une gerbe devant le lieu de martyr dans un instant solennel et émouvant.
Allocution
de Monsieur Michel MOYRAND,
Maire de Périgueux,
pour le 66e anniversaire
de la libération de la ville
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Mur des fusillés
19 août 1944 / 19 août 2010
Monsieur le secrétaire général représentant madame la Préfète,
Monsieur le Député,
Monsieur le représentant du Président du Conseil général de la
Dordogne,
Madame la vice Présidente du Conseil Général
Mesdames, Messieurs les élus,
Monsieur le Colonel délégué militaire départemental,
Messieurs les représentants des forces armées et de Gendarmerie,
Mesdames, Messieurs les représentants d'associations d'anciens
combattants,
Mesdames, Messieurs,
Comme chaque année, nous sommes aujourd’hui réunis
dans cet endroit symbolique, haut lieu du souvenir et du
recueillement, lorsque l’anniversaire de la libération de notre
ville nous invite à célébrer la mémoire de nos aînés fusillés
ici-même il y a 66 ans, entre juin et août 1944, condamnés à
mort par un tribunal militaire allemand.
Comme chaque année, à la pensée de ces hommes et de
ces femmes, de ces héros, de ces martyrs qui ont risqué et
perdu leur vie pour que la nôtre soit libre aujourd’hui, les
mots adressés par l’écrivain Thomas Mann aux résistants
allemands sur les ondes de la BBC me reviennent à l’esprit.
« Vous ne serez pas morts en vain. Vous ne serez pas
oubliés », leur disait-il.
Ils furent nombreux à s’engager, à se battre, à résister à
l’ennemi avec le même courage, la même volonté de liberté
pour notre pays, pour notre Département, pour notre Ville.
Trop souvent, ils ont connu le même destin tragique.
Je souhaite que nous nous rappelions, cette année
encore, ensemble, l'enchaînement qui mena aux heures
noires vécues par la France et la Dordogne à cette période
de notre Histoire et aux tragiques exécutions dont nous
marquons ici le souvenir.
Dans la torpeur de l’été 1939, les nouvelles venues de
l’Est sont d’abord lointaines. Cependant, dès la fin août,
avant même l’ordre officiel, les premiers Alsaciens arrivent à
Périgueux. Ils seront bientôt plusieurs milliers. Nous avons
célébré l’anniversaire de cette Evacuation, conjointement
avec la Ville de Strasbourg l’an dernier.
La Pologne est envahie le 1er septembre. La France et le
Royaume-Uni entrent en guerre, mais le front reste lointain.
Le début de l'année 1940 semble calme. Ce calme est
trompeur. Le 10 mai, l'Allemagne déclenche une immense
offensive contre les Pays-Bas, la Belgique et le
Luxembourg.
Entre mai et juin, les catastrophes militaires se multiplient
et s'accélèrent : Ce qu'on appellera la « guerre éclair »
amène les nazis aux frontières françaises en quelques
semaines. La ligne Maginot est rapidement contournée, les
Ardennes percées. Fin mai, c’est le rembarquement des
troupes alliées à Dunkerque, puis, début juin, la défaite sur
la Somme. Le front français est disloqué. Plus de 7 millions
de Français sont sur les routes. C’est l’exode. Rouen tombe,
puis Paris.
Le 17 juin, quelques jours avant la signature de l’armistice,
Pétain déclare : « C'est le cœur serré que je vous dis
aujourd'hui qu'il faut cesser le combat ».
Le même jour, le Général de Gaulle s'envole de Bordeaux
pour Londres. Le lendemain, il prononce son célèbre Appel
fondateur de la France Libre, dont nous savons qu'il fut
entendu et relayé partout en France. Et bien entendu ici
aussi, en Dordogne et à Périgueux.
Nous le savons tous, mais nous ne devons jamais hésiter
à le rappeler : la Dordogne a été une grande terre de
Résistance, une terre de combats, une terre de solidarité
exemplaire.
En effet, dès l’été 1940, le désordre et la frustration
ambiants commencent à nourrir l’esprit de résistance :
- Plusieurs divisions de l'armée française sont repliées
dans la plus grande confusion. Tous n’ont pas l’intention de
poser les armes.
- La ligne de démarcation divise le département et atteint
le moral de nombreux habitants.
- De nombreux Strasbourgeois, informés mi juillet 1940 de
leur rapatriement vers leur ville natale désormais occupée
par le Reich, décident de rester pour lutter contre l'occupant.
- Les premières mesures antisémites et de collaboration
du régime de Vichy vont marquer les Périgourdins attachés
aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
A l’automne 1940, la Résistance commence à prendre vie
dans notre Département, notamment avec de l'aide venue
de Londres et du Bureau Central de Renseignements et
d'Actions (BCRA) du colonel Passy. Les groupes et les
réseaux se structurent, communiquent, s’organisent,
s’engagent, résistent et attaquent.
A l’automne 1942, ils sont rejoints par la masse des jeunes
hommes refusant d’être réquisitionnés pour le travail
obligatoire.
Il faut saluer l’engagement, le courage et la ténacité de
ces hommes qui ont tout risqué pour entraver les projets de
l’ennemi pendant 4 années, enchaînant sans
découragement victoires et défaites, bravant tous les
dangers, comptant trop souvent dans leur rang des
combattants tombés sous le feu de l’occupant.
Ils ont poursuivi sans répit, sans perdre foi dans les
valeurs qui les animaient, un combat quotidien et clandestin
pour nous frayer un chemin vers des jours meilleurs. C’est à
leur incroyable don d’eux-mêmes que nous devons le
dénouement heureux qui a suivi.
La garnison de Brive se rend le 15 aout, celle de Tulle le
17. L’étau se resserre autour des troupes cantonnées à
Périgueux. Les allemands quittent la ville pour éviter
l’encerclement et se replient à l’Ouest, vers leurs bases
encore solides de Royan et de La Rochelle.
L’intense joie collective qui éclatera dans notre ville le soir
du 19 août 1944 alors que les troupes allemandes auront
définitivement quitté nos murs, ne masquera jamais la peine
des proches, familles, amis, et compagnons d’armes, de
ceux qui sont mort des derniers ordres meurtriers donnés
par l’occupant vaincu.
C’est d’eux dont nous nous souvenons aujourd’hui et dont
nous nous souviendrons toujours.
« Vous ne serez pas morts en vain. Vous ne serez pas
oubliés »
Nous allons maintenant procéder à la lecture des noms des
hommes et femmes, de tous âges et de toutes conditions,
fusillés ici même entre juin et août 1944.
(lecture dans l'ordre d'affichage sur la stèle pour que le
public puisse suivre)
BAPTISTE Serge
GUIGHARD Robert
KORNBLIT Marcel dit Martin
BORDEAUX Henri
MAZEAU Georges
POMIER Jacques
GUYONNET Marie
VERGNOLLE Auguste-Lucien
THURMEL Gabriel
TREMOULET Octave
AROD Roland
ROBERT Michel
MASSIP Robert
MICHEL René-Charles
MARTIN Jean
TATARKOWSKI Abraham
RUBINSAFT Moïse dit Radout
TALAUCHER Gérard
SCHIFFMANN Lucien
GRANDOU Roland
JAVANAUD Elie
THURMEL Gérard
WARNIER Rolf dit La Duchesse
LESPINE Marcel
LEROUGE André dit Le Blanc
FRUCTUS Pierre
PONCEAU Jean
SALLE Alfred
KAHN René
LEBOVIC Jacques
SKRYPECK Abraham
MANGOLD Charles-Louis dit Brossard dit Vernois
PIRODEAU Amédée
LECOINTE Georges
DAGBERT Auguste dit Boulogne
Inconnu
ESKENAZI Marco
CHEVALIER Louis
LACUEILLE Pierre
LEMAHIEU Paul
CHATELIER Elie dit Chastaing
Témoignage de Jeanne Veyri, Denise, dite "Hélène" qui relate les même faits de cruauté de ce 12 août 1944 et donne la mesure de l'horreur. Ce témoignage s'ajoute à celui de mon père, lui donne une force encore plus véridique et authentique.
L'une des femmes engagées en résistance Périgordine.
Document complet dans l'ouvrage: "Résistants du Périgord" de Jean Jacques Gillot et Michel Maureau des Editions du Sud-Ouest 2011.
Page 581
<< le 22 août 1944 au soir, je me rends à la caserne du 35e RAD à Périgueux, qui était la geôle où la Gestapo et la Milice jetaient les Français coupables du crime de patriotisme. Je vais d'abord aux cellules. Les portes s'ouvrent sur des cachots humides et dont l'aspect sinistre étreint d'angoisse >>.
<< Les cris de douleur des familles qui viennent de retrouver les corps des leurs, la colère de la foule, l'odeur insoutenable. Nous allons vers ces charniers découverts depuis hier, qui auraient été creusés le 12 août. On avait cherché les corps des martyrs et ce sont les prisonniers allemands faits à Saint-Astier et renvoyés sur Périgueux qui ont révélés l'existence des fosses communes. Les fusillés avaient été enterrés sur place. Deux fosses ont été découvertes: une de 6 sur 3 mètres à peu près, une de 8 sur 3. On ne peut encore évaluer la profondeur. La première couches de cadavres, au nombre de 20, a été retirée à très peu de profondeur. La deuxième que l'on vient de trouver est à peu près à un mètre. Il y a même un cheval. Sur les 20 prisonniers retirés, 18 ont été identifiés. La blessure est identique: fusillés dans le dos. Nous allons sur le lieu des exécutions, à quelques mètres de là. C'est un retrait de cour, d'une dizaine de mètres de profondeur, situé face aux fosses communes. Une énorme flaque de sang que la pluie a encore agrandie, parsemée d'éclats de crânes, de bérets troués de balles, d'une telle épaisseur qu'il est impossible de traverser tant elle est épaisse pour aller reprendre ces pauvres objets. On sent la folie vous gagner lorsqu'on pense que des humains qui se prétendaient français ont contribué à l'organisation de telles horreurs. Avant de partir, je vais voir les prisonniers allemands qui travaillent au déterrement des corps, gardés par la section Valmy AS. Je les regarde. Supplicier le vaincu fait partie pour eux des lois de la guerre, car aucun ne semble honteux et la preuve horrible qu'on leur donne de l'action de leur Gestapo, ne paraît pas les atteindre dans leur honneur de soldats >>.
Funérailles officielles faites aux suppliciés sur les marches du palais de justice et l'allocution du préfet
"Les cercueils que vous voyez là sont des cercueils de Français, de vrais Français. Vous savez qu'il y a eu 41 victimes des Allemands. Nous rendons à 40 des 41 victimes fusillées les ultimes et solennels devoirs, dernière preuve de l'horrible répression allemande à Périgueux. Le samedi 12 août, on fusillait 22 des nôtres détenus dans cette caserne qu'occupait autrefois un noble régiment de France qui lui est resté sans tache. Dans les jours qui suivirent, par petits paquets,un, deux, les allemands arrivèrent à ce total de 41 fusillés. 41 braves qui sont morts en braves, 41 soldats de France dont le plus jeune, vous ne l'ignorez pas, avait quinze ans et demi. "
"41 soldats de tous âges, que la fureur de l'ennemi, au commandement d'un officier, a arrachés à toutes les affections de leur famille, de leurs amis, de leur camarade de lutte clandestine et de combat. Ils ont lutté avec nous, pour nous, et c'est en partie grâce à leur sacrifice et à leur abnégation que nous avons la liberté aujourd'hui. Ici ou là, nous avons tous notre place au combat. Eux comme nous étaient au poste qui leur avait été assigné, et, un jour, au cours d'une liaison, d'une reconnaissance dans leur maison, dans leur bureau, dans la rue, ils ont été appréhendés et conduits dans une cellule et toute l'horreur de la Gestapo s'est abattue sur eux. Les interrogatoires des arrêtés, je n'en parlerai pas.Nous savons tous ce que c'est et nous détestons tous trop ce genre de sévices pour que j'en fasse le récit. Une chose cependant me tient à cœur, c'est de dire que jamais personne de nous ne doit s'associer à des actes de ce genre. Nous les réprouvons profondément. S'ils ont eu lieu déjà ils n'ont jamais été commandés; ils ont lieu en dehors de nous, contrairement à notre volonté et à notre insu. Ils choquent profondément nos sentiments. Nous pensons qu'ayant combattu pendant quatre ans pour le respect de la personne et de la dignité, nous devons commencer par la respecter nous-mêmes. Nous jugerons, nous condamnerons s'il le faut, mais nous garderons les mains propres. Sortis des mains de la Gestapo, ils ont subi l'emprisonnement, et le jour où ils ont été fusillés, ils ont supporté l'exécution comme un honneur, en soldats, avec le cri de "vive la France", en chantant La Marseillaise et, dans le cœur, l'affection des leurs et de la France pour qui ils sont morts. Tous et chacun d'entre eux doivent être pour nous un exemple.
Morts, ils seront vivants dans nos pensées et dans nos cœurs. Leurs tombes resteront fleuries, le souvenir ne sortira pas de nous -mêmes. je le dis à leurs familles, à leurs amis, devant lesquels je m'incline. Les parents de nos amis doivent trouver sur ces cercueils si douloureux, cette conviction que chacun partage, que chacun ici sait, que cette douleur est une offrande à la cause de la patrie, et qu'un honneur impérissable s'attache au souvenir de ceux qui sont morts pour la France."
Contact: muriel.lecointe@free.fr
Manigold Hommage 2009/10
Hommage au Héros disparu
Traité figuratif 2009
HOMMAGE A GEORGES LECOINTE DÉCÉDÉ EN AOÛT 1944.
Le thème de la mémoire se trouve aussi au centre de l’histoire familiale. Mon père, témoin direct des faits survenus pendant la guerre, ne peut que se taire sur les horreurs vécues en ce temps-là. «Spectacle atroce inoubliable et inracontable» écrira-t-il sur la mort prématurée de son père. C’est sans doute le rôle de la génération suivante de soulever le voile et de tenter d’exprimer (artistiquement) ce qui ne peut se dire avec les mots. En tant qu’artiste, ma préoccupation absolue est de rendre hommage à cet ancêtre qui fut mon grand-père, en le faisant revivre par la peinture.
Le choix volontaire d’un traité figuratif, m’a donné la possibilité de décliner son portrait sous différentes textures, dans le jeu de la matière en utilisant les camaïeux de couleur ocre et terre. C’est en travaillant à ces portraits que j’ai ressenti vivement et profondément l’empreinte que celui-ci a laissé à notre famille. Combattant pour la liberté, il m’a sans doute, légué cette quête d’absolu, de vérité, de recherche intérieure qui fouille avec minutie dans tous les recoins de l’âme, et qui me pousse vers la mission d’accomplir ce travail de mémoire, d’hommage pour celui qui a donné sa vie. Il a lutté, en son temps pour nous, et grâce à son sacrifice et à ceux de ses frères d’armes, à leur abnégation, que nous avons la liberté aujourd’hui. Combattre pour le respect de la personne et de sa dignité est d’un honneur sans faille, devant lequel je m’incline profondément.
Sorti des mains de la Gestapo, il a subi l’emprisonnement et la torture, et le jour où il a été fusillé, lui et ses camarades ont supporté l’exécution comme un honneur en soldats, avec le cri de «Vive la France» en chantant la Marseillaise.
Dans notre monde actuel, soumis aux stimulants et aux codes de notre société de consommation chargée de superficialité, les faits cités peuvent paraître sans intérêt. Pourtant ce souvenir douloureux et cruel qui a traumatisé mon père dans son adolescence, appelle à combattre à son tour avec les moyens qui me sont donnés, pour lutter contre l’oubli et faire ressurgir de la pénombre et de la poussière du temps la mémoire de cet homme, de lui rendre toute sa dignité, le faire revivre dans ces iconographies texturées et de l’aimer… Même.
Muriel Lecointe
Daniel scout - portrait - détail
Détail Daniel
Daniel - ensemble
Héros 81 x 100 cm
Héros terre
Honneur 80 x80 cm
Alice Rodary (femme de Daniel)- Détail
Alice Rodary, ses enfants, ses petits-enfants...
Andrée Marinthe (mère et grand-père de Daniel)
Contact:muriel.lecointe@free.fr